Transfo

Comme quelques autres soirs,
L’homme s’arrête,
Allume une cigarette,
Reste sur le trottoir.
A la lueur des réverbères,
Bonnet sur la tête ,
Il tête,
Sa nicotine,
Regard en l’air,
Vers le toit du vieux transfo.
Dont il fait le tour.
Son pas est lourd.
Les mains dans son manteau,
Il s’adosse au mur derrière,
Fixe les alentours
De ce carrefour
Au silence pavillonnaire ;
Se perd dans les fenêtres
Et les antennes.
Il bouge a peine.
Semble à des kilomètres.
Le souffle des branches brunes.
L’envoie d’un soupir
S’étourdir
En ombre grise du bitume.

Le nez dépassant du rideau,
Une vieille dame
Observe ce quidam
Qui lui tourne le dos.
Elle l’a vu, la semaine dernière,
Sur ce macadam
Jouer avec la flamme
De son briquet sans rien faire.
Dans l’obscurité de la salle de bain.
Bercée de ronflements
Lointains.
Une étincelle l’étreint :
Le type a des airs d’un des gosses,
Qui vingt ans auparavant
Venaient en bande
Sur le banc d’en face faire la noce.

Presque tous les week-ends,
C’était mobylette.
Bières. Fumette,
Rires et mégots qui traînent.
Ils étaient parfois plus d’une vingtaine.
Et certaines têtes
Tenaient la fête
Jusqu’à tard en semaine.

Par une nuit de la fin août,
Elle a surpris
De légers cris,
Froissés, ne laissant aucun doute.
Dans l’ombre du transformateur,
Une ombre bicéphale,
Au mur sale
Se cherchait le bonheur.
Elle a fermé ses volets
Sans plus en dire
A ces soupirs.
Moins choquée que désolé.
Sa fille de presque treize ans
Dormait, son sourire
Si loin des désirs
Adolescents.

Après avoir mis du goudron
Sur le dossier.
Sans y gagner
Plus qu’une bardée de jurons,
Son mari, obtint des services
De mairie
Que l’on dévisse
Le banc par une froide après midi.
Le vieux bougre aujourd’hui
Ronfle derrière,
Et n’a d’hier
Qu’un flot de souvenirs déconstruits ;
A demandé qui elle était
En battant paupières
Sur sa cuillère
A l’heure du thé.

Elle revient à sa fenêtre
L’homme a disparu.
Reste la rue,
Les trottoirs, les boites aux lettres,
Une brume légère sur les crêtes
Et les clôtures.
Un bruit de voiture.
Le rideau vacille et s’arrête.

Dernier regard par la vitre
L’homme a disparu.
Reste la rue
Les trottoirs et les fils électriques
Qui longent les boites aux lettres,
De la brume,
Sur les clôtures.
Un rideau vacille à la fenêtre.