Quelque part sur le Mont Sinaï, Moises soufflait comme un âne sur un chemin de chèvres. Il faisait chaud dans la région et les onze tablettes que Yahvé lui avait refourgué au coin d’un buisson ardent étaient fichtrement lourdes. De plus, ses sandales n’étaient absolument pas adapté à la marche en montagne, la lanière commençait à lui scier le tendon de sa cheville gauche.
Comble, il n’avait absolument pas pris de sac, ce cher Yahvé n’ayant pas eut le bon goût de le prévenir de l’objet de son appel. Il se fadait donc la redescente avec onze tablettes en granit format 30 par 40 sur 8 d’épaisseur, directement posées sur les bras.
L’affaire ne loupa pas. Un serpent passa. Un caillou se déroba sous son pied. La lanière s’arracha. Moises perdit l’équilibre et atterrit dans un buisson d’épines. « Bon Dieu de merde » siffla t-il en se relevant.
Le temps de compter ses égratignures, il constata que l’une des tablettes s’étaient brisée dans la chute. Il s’agissait de la loi du silence. Elle gisait en plusieurs morceaux en contrebas du sentier. Il leva la tête au ciel et lâcha au seul nuage qui passait par là: « Franchement, ça n’aurait jamais marché avec les hommes » avant de ramasser les dix restantes. Il repartit avec son fardeau sur les bras, en essayant de penser, le plus discrètement possible, que Dieu, parfois, en demandait beaucoup.
Jérôme Pinel
Texte issu de la série “Les Détournements”
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